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Bretagne

1892 : Le premier marathon breton

2 avril 2019

Thierry Lefeuvre

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En juin 1892 Le Petit Journal, sur l’initiative de Pierre Giffard, organise la première course à pied longue distance en France : Paris-Belfort 496 km. C’est un succès phénoménal pour le quotidien parisien, 1200 inscrits, 840 partants, 380 classés dans le délai de dix jours et des milliers de spectateurs sur le bord des routes et aux points de contrôles fixes. Cela se traduira par un écho sportif important dans tout l’hexagone qui donnera des idées à de nombreuses sociétés [clubs]. Aussi voit-on fleurir un peu partout des courses pédestres plus ou moins longues, et ce, dès le mois de juillet ; Doullens 50 km. St Dié-Baccara et retour 52 km. Dunkerque-Cassel et retour 60 km. Paris-Pontoise et retour 60 km. En août ; Bayonne 100 km (le premier 100 km sur route en France). St Ouen-Pontoise et retour 66 km. Calais 130 km. Rouen-Dieppe et retour 120 km. St Brieuc-Brest 147 km etc….

«  Depuis deux ou trois mois, on n’entend parler aux quatre coins de la France, que de courses pédestres de trente, cinquante, cent kilomètres ; le plus curieux c’est que les concurrents sont toujours en grand nombre. Ils partent deux cents, ils arrivent vingt-cinq, et dans quel état ! Mais qu’importe puisque la course a un succès…La mode cette année est aux courses à pied, on en organise tant bien que mal en dépit et contre les principes les plus élémentaires de l’hygiène, quand ce genre de sport aura perdu l’attrait du nouveau on ne verra plus des concurrents prendre part à une course dans le seul but de s’arrêter chez tous les marchands de vin qu’ils trouveront sur leur passage. »

La Revue des Sports, septembre 1892

En Bretagne, le dimanche 7 août, soit une semaine avant St Brieuc-Brest, une course entre Lorient et Quimperlé, aller et retour est organisée conjointement par la société de gymnastique Les Enfants de Lorient et le Véloce Sport Lorientais. La distance était de 42 km, on ne peut cependant pas qualifier cette compétition de marathon car «  la course de marathon » n’existait pas, le premier a eu lieu en avril 1896 aux J.O d’Athènes. Mais le parcours mesurait 42 km, alors on va faire comme si…

Cette épreuve sur route fut un véritable succès, la presse locale évalue à près de dix mille le nombre de spectateurs sur le parcours. Au départ à Lorient, rue Victor Massé et sur le cours Chazelles, les concurrents n’auraient jamais pu se frayer un passage s’ils n’avaient été précédés d’un service d’ordre des Enfants de Lorient.

Deux points de contrôles fixes sont prévus, le premier aux Cinq Chemins et le second à Quimperlé place de l’Hôtel de Ville.

L’inscription est de 0,50 franc par coureur. Les onze premiers sont récompensés :

Au 1er : 50 francs, 2e : 25 francs, 3e : un objet d’art, 4e : 15 francs, 5e : 10 francs, 6e : lot offert par la société de gymnastique, 7e : lot offert par un particulier, 8e : lot offert par un particulier, 9e : 5 francs, 10e : lot offert par un particulier, 11e : prix offert par M. le maire de Quimperlé.

Le délai pour être classé est de 7 heures. Il y a 58 inscrits, ils sont 49 sur la ligne de départ munis d’un brassard tricolore avec un numéro d’ordre. 21 ont effectué la distance dans les délais sous une forte chaleur.

illustration départ marathon Paris-Conflans 19 juillet 1896

Le départ est donné à 10h10 place Alsace-Lorraine, l’arrivée est jugée au même endroit. Le parcours : Le Mourillon, Le Ménéguen, les Cinq Chemins, Kerfleury, place de l’Hôtel de Ville Quimperlé où le demi-tour s’effectuait.

Le premier coureur arrive à Quimperlé à 11 h 51 min il s’agit du nommé Thébaut, âgé de 16 ans, il a donc mis 1 h 41 min pour le trajet aller, 21 km. Il effectuera le retour en 2 h 57 min.

Les coureurs ont souffert de la chaleur cet après-midi du dimanche 7 août, le quotidien parisien La Presse annonçait que le vainqueur était mort après avoir franchi la ligne d’arrivée. Fausse nouvelle, aucun décès durant et après la course malgré les consignes : « Les résultats de la course auraient été beaucoup plus brillants encore si quelques-uns des coureurs ne s’étaient abandonnés à boire, contrairement aux prescriptions de la plus élémentaire hygiène ; il est vrai qu’il faisait si chaud ! »

Quelques incidents ; un concurrent s’est égaré, un autre obligé d’attendre à Quimperlé l’arrivée d’un camarade pour savoir quelle route prendre, un troisième ayant oublié son porte-monnaie et s’en étant aperçu à quatre kilomètres de Quimperlé est retourné le chercher et enfin le dernier pour la route : «  un concurrent, le jeune F. a été perfidement enivré à son passage à Quimperlé »

21 classés (les prénoms ne sont pas connus) :

1er : 04 h 21 min : Lomenech, 30 ans, marchand de boules de pin, a couru pieds nus

2e : 04 h 25 min : Padellec, 28 ans, même profession, a couru pieds nus

3e : 04 h 32 min : Koresaski, 17 ans, élève à l’école normale d’instituteurs de Vannes

4e : 04 h 35 min : Audran, 19 ans, forgeron au port de Lorient

5e : 04 h 38 min : Thébaut, 16 ans, ferblantier

6e : 04 h 46 min : Goubin, 29 ans, ajusteur

7e : 05 h 09 min : Forqueray, 16 ans, lycéen

8e : 05 h 15 min : Langlais, 29 ans, tailleur de pierres

9e : 05 h 19 min : Peuron, 17 ans, peintre

10e : 05 h 23 min : Raymond, 34 ans, bourrelier

11e : 05 h 28 min : Bougon, 36 ans, ouvrier au port

12e : Cognal, 24 ans, meunier

13e : Jaffré, 30 ans, fontainier

14e : Lamotte, 21 ans, chaudronnier

15e : Marcel Rio, 18 ans, commis

16e : Moellon, 19 ans, cordonnier

17e : Bertho, 17 ans, forgeron

18e : Martin, 40 ans, comptable

19e : Le Hœbel, 13 ans, lycéen

20e : Mariot, 15 ans, armurier

21e : Ohio, 62 ans, retraité

En plus des onze premiers récompensés, deux prix ont été attribués aux deux plus jeunes arrivants  :

Le Hœbel, 13 ans, lycéen, taille 1,47 m, grosseur de la poitrine 0,80 m

Mariot, 15 ans, armurier, taille 1,30 m, grosseur de la poitrine 0,65 m

«  La plus grande sympathie n’a cessé d’entourer les coureurs et les organisateurs de cette première épreuve. Aussi songent-ils déjà à organiser d’ici quelques temps une épreuve plus longue : Lorient-Vannes et retour  »

Il semble que cette course longue de 110/120 km n’a pas eu lieu.

course à pied à Châtillon (35) vers 1900