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Hors Bretagne

Le premier 24 heures en France

26 janvier 2022

Thierry Lefeuvre

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Le 30 septembre 1892 est organisée au vélodrome Buffalo de Neuilly la première compétition de course à pied sur 24 heures.

A propos de ce vélodrome ; les premiers travaux de construction datent du début de l’année 1892. Après bien des hésitations, on lui donna comme nom : Buffalo, parcequ’il était bâti sur l’emplacement où, durant l’exposition universelle de 1889, le fameux Buffalo Bill avait établi son chapiteau pour son spectacle Wild West Show.

Ouvert le 20 mai, le vélodrome Buffalo était situé à Neuilly-sur-Seine, près des Portes Maillot et des Ternes.

C’était le premier vélodrome digne de ce nom en France, bien que l’année précédente avait vu naître la piste de Courbevoie, 500 m en ciment, qui était superbe pour l’époque.

Buffalo avait une piste en ciment de 333 m, sur la pelouse intérieure était traçée sommairement une piste de 300 m pour les coureurs, avec des virages serrés, le vainqueur a tourné 560 fois autour de cette piste.

Pour cette compétition de 24 heures, l’entrée était libre pour le public qui était venu assez nombreux et à plusieurs reprises les coureurs ont été gênés par des spectateurs, entraîneurs d’occasion.

«  Malgré un manque absolu d’organisation, cette course a eu un certain succès, succès de curiosité surtout ; n’était-ce pas en effet, un essai du genre que cette première épreuve sur piste de professionnels. » La Revue des Sports

L’année 1892 était l’année des «  premières  » en courses à pied :

En juin, le premier ultra : Paris-Belfort 496 km

En août le premier 100 km sur route à Bayonne et les premières féminines à l’arrivée de St Brieuc-Brest 147 km.

Le Vélodrome Buffalo en 1906 ; la piste en ciment a été remplacée par une piste en bois en 1902, pour les coureurs à pied, la piste est toujours tracée avec du plâtre.

Les inscrits :

Charles Roche 17 ans, 1er de Paris-Pontoise et retour (60 km).

Victor Bagré 25 ans, 5e de Paris-Belfort (496 km)

Louis Vacher 24 ans, 9e de Paris-Belfort

Jules Rondenet 18 ans, 11e de Paris-Belfort

Charles Verdelet 24 ans, 2e de Pantin-Aulnay et retour (17 km)

Eugène Denis 29 ans, 2e du Tour de Paris (34 km)

Georges Mougin, 1er de Pantin-Aulnay et retour

Camille Chapy 22 ans

Edmond Corbelet 19 ans

Désiré Lesy 18 ans

Eugène Mavoir, 21 ans

Alphonse Vacher 22 ans

Auguste Hénoul

Victor Bagré

« A moins d’une surprise, il faut choisir le gagnant entre Bagré, Vacher et Rondenet. Le premier couvrira sans doute 220 à 230 km en 24 heures. » Le Journal

159 km était la première performance française sur 24 heures. Louis Duval, âgé de 49 ans, professeur de mathématiques au collège Rollin à Paris, avait réalisé cette marque lors de Paris-Belfort. Il était passé à Saint-Gibrien au 159e km à 7h20 le lundi matin 06 juin, soit 24 heures après le départ de Paris.

En août de cette même année, le premier ultra breton ; St Brieuc-Brest, 147 km, le vainqueur, Jean-Marie Allain, boucher de 26 ans, de Pont-Mélier, Côtes-du-Nord, arrive à Brest après 19 h 40 min de course.

Le 2e ; Louis Joly, 43 ans, boulanger à Nantes, arrive 35 min après J-M Allain soit 20 h 15 min de course pour les 147 km du parcours. Il décide alors de repartir aussitôt pour effectuer 12 km et battre ainsi le record sur 24 heures détenu par Louis Duval.

De retour à Brest, il a parcouru 159 km en 22 h 20 min, soit 1 h 40 min de moins que Duval, il a égalé le record mais n’a pas fait mieux que 159 km en 24 heures. Mal conseillé, il aurait sans doute pu ajouter quelques kilomètres.

Peu d’informations dans la presse parisienne sur le déroulement de ces 24 heures à Buffalo. La course à pied longue distance était une nouvelle discipline et on ne comprenait pas bien l’intérêt de ces épreuves, même si le public venait en masse sur le bord des routes applaudir et encourager les participants comme pour Paris-Belfort et St Brieuc-Brest.

A propos du record de Duval, on pouvait lire dans la presse :

«  …..On va offrir un banquet à un professeur de mathématiques qui a fait 159 km en 24 heures. On n’eût jamais parlé de lui dans les journaux s’il avait résolu un grand théorème. Il est necessaire d’ajouter que la plupart des Français ignorent les noms de Nicolas Leblanc, l’inventeur de la soude artificielle ; de Philppe Lebon à qui nous devons le gaz d’éclairage, de Graham Bell qui imagina le téléphone ; de tant d’autres héros obscurs en l’honneur desquels nulle ville n’a pavoisé et à qui on a pas offert de banquet… » A.C. avril 1892

Vendredi 30 septembre, ils sont 10 derrière la ligne traçée sur la pelouse intérieure du vélodrome. Le départ est donné à 22 heures et la pluie commence à tomber vers 23 heures et ne cessera qu’à 8 heures le lendemain matin. En fait, durant la nuit c’est une véritable tempête qui s’abat sur les coureurs et obligera certains à s’arrêter.

Samedi matin Bagré est en tête et la conservera jusqu’à l’arrivée.

Après 16 heures de course les positions sont les suivantes : Victor Bagré 126,300 km. Charles Verdelet 122,100 km. Louis Vacher 120 km.

Le classement de ce premier 24 heures :

169,500 km : Victor Bagré, placier, club Athlétique du 7e arrondissement Paris

156,900 km : Charles Verdelet, comptable, club Athlétique du 7e arrondissement Paris

153,600 km : Louis Vacher, fabricant d’abat-jour, Paris

144,600 km : Edmond Corbelet, couvreur-plombier, Paris

125,100 km : Alphonse Vacher, cordonnier, Paris

DNF :

90,300 km : Auguste Hénoul

81,600 km : Désiré Lesy

68,100 km : Eugène Mavoir

47,400 km : Charles Roche

29,400 km : Jules Rondenet

Toulouse-Paris 1904, Bagré se fait masser, à côté de lui sur le banc, son accompagnateur Charles Verdelet

La meilleure performance mondiale était détenue par le britannique Charles Rowell : 241,763 km, dans les premiers 24 heures d’une course de 6 jours. Il réalisa cette marque de 150 miles après 22 h 28 min 25 s de course, il s’arrêta alors pour dormir, s’il avait continué jusqu’aux 24 heures à la même vitesse il aurait atteint sans doute les 257 km.

Victor Bagré, vainqueur de ces premiers 24 heures sur piste, deviendra quatre ans plus tard le premier marathonien Français. Il terminera 2e du premier marathon organisé en France : Paris-Conflans, le 19 juillet 1896. Le vainqueur était l’Anglais Len Hurst.

Victor Bagré, 61 ans, dossard 6, au cross des ancêtres à St Cloud en 1928.

Charles Verdelet , 55 ans, dossard 16, en 1923 au cross des ancêtres